Organiser son action pédagogique

J’ai du mal à faire des progressions, fiches de preparation, cahier journal...

Cette question renvoie à une organisation particulière EN à savoir les classes d'âge qui nécessitent que l'on découpe les compétences selon un niveau supposé des élèves, une antinomie alors que les programmes concernent des cycles.

 

Dans une classe multiniveaux, la progression est portée par l’ensemble de votre fonctionnement. Pour simplifier la chose, vous pouvez voir pour chaque domaine une unique progression sur les trois années, ce qui complique votre lisibilité (hiérarchique principalement) est lié au fait qu’en lieu et place d’une progression établie pour votre classe qui posera en regard d’une période un ensemble de compétences par domaine, vous avez en réalité autant de progressions différentes que d’élèves… Et vous ne pouvez pas dire « en janvier je travaille la numération de 5 à 10 et les ronds, le cycle de vie de la chenille et l’organisation spatiale des parcours gymniques » parce que vos élèves n’en sont pas tous au même point et n’y trouvent pas tous le même intérêt. C’est là toute la finesse de cette pédagogie active basée sur l’autonomie et le parcours individualisé de l’enfant.

Imaginez, vous avez un point de départ : l’état des connaissances de l’enfant tel que vous l’accueillez, un point d’arrivée : les compétences attendues en fin de cycle, vous mettez en place un itinéraire fait de relais (différents domaines dont les connaissances s’imbriquent et se suivent), mais chaque enfant est libre de choisir sa route, son allure, ses temps d’arrêt, ses coups d’accélérateur...

La progression lorsqu’on fonctionne selon la pédagogie Montessori est portée par le matériel et l’ordre des présentations qui est repris visuellement par l’ordre de rangement des étagères.

Liberté de travail et confiance en l’enfant qui apprend au cœur de la classe préparée à cet effet.

J’entends déjà les objections : on ne sait pas où on va, ils ne font rien si on ne les met pas au travail, ils passent leur temps à jouer et n’apprennent pas… Comment s’assurer qu’ils maîtrisent telle ou telle compétence ?

Je vais en appeler maintenant à notre professionnalisme, nous sommes enseignants, à nous de créer les outils d’observation, de gestion pédagogique de nos classes pour suivre individuellement le parcours de chacun et pouvoir être un guide si besoin, une aide si nécessaire, un encouragement toujours.

Pas simple quand on a appris dans les IUFM ou ESPE la trilogie IO/Progression/Fiche de prep de passer à un mode opératoire différent, on se sent insécure, on manque de modèle, on a le sentiment de perdre la main, la maîtrise… et être maître on aime bien !

Depuis quelques mois, je vous propose de tourner peu à peu vos pratiques dans une vision nouvelle de l’enfant à l’école maternelle publique (enfin nouvelle… il serait temps que certains se forment à cette nouveauté centenaire et cessent de crier à la secte).

Pour avoir un suivi de classe au quotidien, j’utilise plusieurs outils. Tout d’abord les grilles de correspondance entre activités Montessori et IO qui me permettent de savoir pour chaque activité quelles sont les compétences travaillées par les élèves, ces correspondances sont la base absolue de mon travail (elles me permettent par exemple de proposer des activités complémentaires pour couvrir les parties des IO qui ne sont pas couvertes par les activités Montessori, activités artistiques et activités physiques qui font partie de la vie de classe).

Une fois mon plan de travail arrêté sous forme d’activités, j’ai créé des affichages en classe qui me permettent (mais aussi à mon ATSEM) d’un coup de crayon de noter les activités présentées, puis celles pratiquées, celles maîtrisées et enfin validées (codage: point, trait, croix, case colorée). Tableau double entrée très simple. Je tiens ensuite à jour ce tableau excel reprenant les présentations pour chaque enfant. Ainsi je peux sortir pour chaque élève sa fiche individuelle retraçant l’état d’avancée de son propre parcours.

Je tiens un cahier d’observations de la vie de chacun au sein du groupe, de ses manières de réagir, de ses périodes sensibles observées…

Enfin, je note chaque jour dans une sorte de cahier journal qui a fait quoi, succinctement, et les éléments collectifs de notre vie de classe (albums, chants, projets…). Ce cahier est rempli aussi par mes remplaçants éventuels.

Cela peut sembler nébuleux au départ pour les non avertis et c’est bien là toute la difficulté à entrer dans cette pratique pédagogique.

Pourquoi ? Mais tout simplement parce qu’on n’est plus le « maître » de la classe, du moins pas tel qu’on l’entendait jusqu’à aujourd’hui dans l’EN. Nous ne dirigeons pas l’activité de nos élèves au quotidien quand une classe maternelle traditionnelle travaille en ateliers dirigés, ateliers animés par l’atsem, ateliers à consignes, etc.  en fonctionnement Montessori nous libérons les élèves de l’emprise de la volonté adulte pour les ramener à l’essentiel et ainsi nous remplissons notre mission principale.

« L'école maternelle est une école bienveillante, plus encore que les étapes ultérieures du parcours scolaire. Sa mission principale est de donner envie aux enfants d'aller à l'école pour apprendre, affirmer et épanouir leur personnalité. Elle s'appuie sur un principe fondamental : tous les enfants sont capables d'apprendre et de progresser. En manifestant sa confiance à l'égard de chaque enfant, l'école maternelle l'engage à avoir confiance dans son propre pouvoir d'agir et de penser, dans sa capacité à apprendre et réussir sa scolarité et au-delà. » BOEN n°2 – 26/03/2015

 

Mais pour autant, n’oublions pas que ce qui est un gage de réussite de tous nos élèves réside dans le fait que notre action pédagogique soit organisée et normée sans qu’eux s’en rendent compte.

C’est une école dans laquelle les enfants ne font pas ce qu’ils veulent, mais veulent ce qu’ils font.

 

 

Je ne partagerai pas mes tableaux ici, si vous en voulez de tout faits il y en a sur Internet un bon moteur de recherche suffira, mais il me semble très important de les réaliser soi-même car ils permettent de s’approprier sa classe pour mieux s’en détacher et être présent à ses élèves. Ils libèrent de la contrainte de gestion parce qu’on sait où on va et permettent de se consacrer à l’observation et non à la recherche de la ligne à remplir sur le tableau pensé par un(e) autre.

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Commentaires: 4
  • #1

    colchique64 (samedi, 26 décembre 2015 11:41)

    bonjour, tout d'abord merci infiniment pour ce blog qui encourage et aide à trouver le chemin ; je commence à fonctionner cette année en ateliers de type montessori essentiellement (après avoir essayé les ateliers autonomes de façon limitée dans le temps de la journée) ; j'en suis donc encore à construire mes propres outils d'observation ; j'ai aussi un cahier où je note de façon informelle en attendant d'avoir des tableaux plus élaborés.
    Ce qui me questionne en ce moment ce sont les enfants qui ne se mettent pas au travail sans injonction (je partage ma classe à mi-temps avec une collègue qui travaille de façon "traditionnelle"), comment m'y prendre avec eux (qui captent du coup mon attention de façon si prégnante que je ne peux accorder du temps aux autres présentations, accompagnements et observations) ? si vous avez des "vécus" et des pistes merci de bien vouloir ouvrir le débat ! encore merci pour le partage

  • #2

    FannyL (samedi, 26 décembre 2015 18:41)

    Bonsoir,
    Cette question des enfants "en errance" dans la classe revient souvent. Elle nous renvoie au lâcher-prise si difficile à mettre en oeuvre à travers notre peur de ne pas être de bon enseignants, de voir nos élèves ne rien apprendre lorsqu'ils ne font rien. Ma première remarque sera la suivante : en mode traditionnel, lorsqu'on dirige un atelier notre attention est focalisée sur un groupe d'enfants, 6 en moyenne, peut-on dire honnêtement ce que les 24 autres on très exactement fait durant le temps d'atelier. Il y en avait toujours quelques-uns dans ma classe qui passaient à travers maille et qui ne faisaient rien. Pourquoi? Parce que pas envie, pas le bon moment, pas d'intérêt pour l'activité, besoin d'être accompagné, dirigé, manque d'autonomie...
    Voici une première piste sur la dépendance crée par les fonctionnements "dirigés" qui nuisent à l'autonomie d'apprentissage.
    "L’intervention directe de l’adulte au cours du jeu de l’enfant est souvent déterminée par l’idée d’une domestication possible de l’attention de l’enfant. Ce manque de confiance dans le fait qu’il pourrait développer de façon spontanée et par lui-même ses capacités d’attention, est à l’origine du choix de certains actes professionnels allant à l’encontre du développement de l’activité autonome de l’enfant, comme l’organisation souvent trop précoce pour ne pas dire prématuré d’activités dirigées [*][*] Les activités dirigées sont celles entièrement menées.... Cette tendance à vouloir suroccuper les enfants de peur qu’ils ne s’ennuient appauvrit leur créativité et empêche l’autorégulation de l’attention.
    De plus, en voulant stimuler directement un enfant, l’adulte, à son insu, risque de créer un besoin artificiel (« j’ai besoin de l’adulte pour jouer »), de provoquer des frustrations évitables (les quelques moments de jeu suscités par l’adulte déclenchent des attentes qui ne pourront être satisfaites) et d’induire un sentiment de dépendance à laquelle l’enfant ne renoncera pas facilement."
    Quand un enfant s'ennuie de Régine Demarthes, revue Enfances et Psy,
    http://www.cairn.info/revue-enfances-et-psy-2001-3-page-50.htm
    Le partage de classe en temps partiel entre deux fonctionnements différents est difficile, c'est un écueil supplémentaire sans doute.
    Je vais tenter de creuser votre question de départ dans un nouvel article avec quelques "astuces"...

  • #3

    Audrey (mardi, 29 décembre 2015 15:33)

    Merci pour votre article.
    Je vois que je fonctionne avec à peu prés les mêmes outils que vous, c'est rassurant! :)
    J'essaye maintenant de concevoir mes outils et ateliers pour toute la partie langage, et là j'avoue que je trouve ça compliqué.
    Passez de bonnes fêtes
    Audrey

  • #4

    Stéphanie (vendredi, 22 janvier 2016 04:02)

    Merci! très bel article, très encourageant!